Dans ce roman écrit en 1910, Colette se met en scène à l'époque où elle exerçait ses talents de pantomime au théâtre de la Gaîté-Rochechouart, appelé l'Empyrée-Clichy dans le texte. Divisé en trois parties semblables à des actes au théâtre, le récit propose une variation sur la solitude, thème omniprésent dans la première partie et qui fait retour dans la dernière.
“- Si tu vis toute seule, m'a dit Brague, c'est parce que tu le veux bien, n'est-ce pas ?
Certes, je le veux “bien”, et même je le veux, tout court. Seulement voilà… il y a des jours où la solitude, pour un être de mon âge, est un vin grisant qui vous saoule de liberté, et d'autres jours où c'est un tonique amer, et d'autres jours où c'est un poison qui vous jette la tête aux murs.”
Certes, je le veux “bien”, et même je le veux, tout court. Seulement voilà… il y a des jours où la solitude, pour un être de mon âge, est un vin grisant qui vous saoule de liberté, et d'autres jours où c'est un tonique amer, et d'autres jours où c'est un poison qui vous jette la tête aux murs.”
Alors que s'ouvre le récit, “femme de lettres qui a mal tourné”, Renée Néré-Colette vit seule à Paris après son divorce avec Willy surnommé ici Adolphe Taillandy, et présenté sous les traits d'un pastelliste. L'histoire commence au moment où, mise à la porte de chez elle sans une once de courtoisie, afin que le seigneur des lieux puisse courtiser à sa guise, elle ne rentre pas. La deuxième partie du roman propose au lecteur une description passionnante du Paris interlope de la Belle époque :
“L'espèce n'est pas rare, en ce pays montmartrois, de ces filles qui crèvent de misère et d'orgueil, belles de leur dénuement éclatant. Je les rencontre, ici et là, traînant leur nippes légères de table en table aux soupers de la Butte, gaies, saoules, rageuses, la dent prête, jamais douces, jamais tendres, boudant au métier, et “travaillant” tout de même. Les hommes les appellent “sacrées petites charognes” avec un rire de mépris complaisant, parce qu'elles sont de la race qui ne cède pas, qui n'avoue ni la faim, ni le froid, ni l'amour, qui meurt en disant : “Je ne suis pas malade”, qui saigne sous les coups, mais les rend.”
Roman qualifié de “cantique pur et triste” par Michel del Castillo, il nous conte l'adieu à l'amour d'une femme que l'expérience a durcie. J'ai aimé la nostalgie qui teinte l'ensemble du texte, et j'ai pris grand plaisir à découvrir les dessous des milieux artistiques de l'entre-deux guerres. L'Entrave se présente comme la suite de ce texte… ce sera peut-être pour ma prochaine lecture coletienne.
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