Cette biographie s'ouvre sur un questionnement et des doutes. Pourquoi Colette ? Pourquoi cet attrait pour une écrivaine dont certains traits de personnalité ne peuvent que repousser ? “Je ne trouve aucune réponse convaincante sauf peut-être la contradiction entre les réticences qu'une partie de son œuvre, et, même, certains traits de son caractère m'inspirent et l'admiration que mes réserves ne parviennent pas à tiédir.” Car voilà une écrivaine dont tous les spécialistes s'accordent à dire qu'œuvre et biographie sont si intimement liées qu'on ne peut les détacher. Michel del Castillo se propose donc ici de “réfléchir à l'élaboration de cette vie exemplaire” et d'observer chacun des portraits figés par l'écrivaine bourguignonne en pause, afin d'en dégager non une vérité toujours fugace, mais son style… Au cours de sa démarche, il lève le voile du mythe. Il rappelle par exemple combien les liens de Colette avec son village sont ténus alors qu'elle adora la Bretagne et la Provence (pour s'en convaincre, il suffit de lire La naissance du jour…). Il interroge les éléments biographiques et analyse avec une pertinence réjouissante les rapports mère-fille. Il met fin à ce mythe de la “maison du bonheur” avec Sido comme fidèle gardienne. En effet, le sourd combat mené par les enfants pour se soustraire au regard de la mère permet de mieux comprendre l'attitude des adultes qu'ils sont devenus. Le “sommeil heureux” dans lequel Sidonie a maintenu ses enfants semble avoir recelé de bien puissants narcotiques…
“La splendeur de la langue, le tremblement de la phrase traduisent bien l'euphorie et le ravissement de ce sommeil heureux, mais ils disent aussi la blessure et l'angoisse.
“Les gens parfaitement contents, parfaitement équilibrés, ne font pas de bonne littérature, hélas.”
“Les gens parfaitement contents, parfaitement équilibrés, ne font pas de bonne littérature, hélas.”
Mon avis
Voilà un récit biographique qui se lit comme un roman et qu'il vous faudra lire entièrement afin de découvrir les ressorts de cette fascination exercée par Colette sur un autre écrivain. J'ai particulièrement goûté la démarche, qui se veut parfois tâtonnante mais évite ainsi les discours pontifiants, ou trop sûrs d'eux pour être honnêtes. Un excellent essai, fort bien écrit, qui remet l'oeuvre de l'écrivaine en perspective et invite, encore une fois, à relire les romans et d'autres approches biographiques. Indispensable pour toute personne qui s'intéresse à Colette !
“Si éloigné, par tempérament, de Colette, qu'est-ce donc qui m'attache à elle, me retient, malgré toutes mes réserves ? L'enchantement, pourrais-je dire avec Aragon : l'exaltation de la littérature, le pur plaisir de conter.”
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