Dans son dernier roman, Amélie Nothomb se met en scène, et l'on sait combien elle excelle à pratiquer cet exercice. Elle nous propose ici un récit à la frontière entre le roman, l'autofiction et le roman épistolaire. Tout commence le 18 décembre 2008, date à laquelle elle reçoit une lettre envoyée par un militaire basé en Irak, un certain Melvin Mapple. S'ensuit un échange épistolaire : “J'écarquillai les yeux. Ce type avait lu tous mes livres et établissait un lien de cause à effet entre cette donnée et le fait qu'il m'écrive. Cela me plongea dans un abîme de réflexion. J'essayai de comprendre en quoi mes romans avaient pu inciter ce soldat à s'adresser à moi.
D'autre part, j'étais ce personnage ridiculement ravi : l'auteur qui découvre que quelqu'un a tout lu de lui. Que ce quelqu'un fût un 2e classe de l'armée américaine me combla encore davantage. Cela me donna l'impression d'être un écrivain universel. J'éprouvai une grotesque bouffée d'orgueil. (…)”
L'échange se poursuit et l'écrivaine en vient à découvrir que le soldat est obèse : “100 kilos, c'est une personne énorme. Je me suis enrichi d'une personne énorme depuis que je suis à Bagdad. Puisqu'elle m'est venue ici, je l'appelle Schéhérazade. (…)”
D'autre part, j'étais ce personnage ridiculement ravi : l'auteur qui découvre que quelqu'un a tout lu de lui. Que ce quelqu'un fût un 2e classe de l'armée américaine me combla encore davantage. Cela me donna l'impression d'être un écrivain universel. J'éprouvai une grotesque bouffée d'orgueil. (…)”
L'échange se poursuit et l'écrivaine en vient à découvrir que le soldat est obèse : “100 kilos, c'est une personne énorme. Je me suis enrichi d'une personne énorme depuis que je suis à Bagdad. Puisqu'elle m'est venue ici, je l'appelle Schéhérazade. (…)”
Ce surplus de graisses se transforme alors pour A. Nothomb en figuration de la progression de l'armée américaine, dans un passage assez jubilatoire que je vous laisse bien sûr découvrir… Dans ses bons crus, l'écrivaine manie fort bien les situations loufoques. Ici, j'ai particulièrement goûté la situation absurde imaginée par la romancière, cet obèse envoyé en première ligne, qui sert de bouclier humain parce qu'il cache deux hommes au lieu d'un… Autant dire que l'imagerie guerrière gonflée à la testostérone en prend pour son grade : “Quand même, je suis assez fier de ma dernière victoire : je n'entre plus dans les tanks. La porte est trop étroite. Tant mieux, j'ai toujours eu horreur d'être dans ces machins qui rendent claustrophobe et où l'on est pas si protégé qu'on le croit.”
Vous l'avez compris, j'ai apprécié la cuvée 2010 d'Amélie Nothomb. La dernière partie du récit, qui s'attarde sur l'importance de l'échange épistolaire dans sa vie est intéressante, et je vous conseille d'ailleurs d'écouter l'interview qu'elle a accordé à L'Express où elle s'exprime à ce sujet. Voilà un texte où l'ironie fait souvent mouche, comme dans cette sortie délectable : “Il est incontestable que quelques auteurs nuisent gravement à leur œuvre”. De plus, j'aime beaucoup la manière dont elle s'autoparodie. Et pour conclure, “Vous savez, j'ai beaucoup lu dans ma vie, j'ai, comme on dit, fréquenté pas mal d'auteurs, en lisant leurs œuvres complètes, et je peux vous l'assurer : c'est une idée à la Amélie Nothomb.”
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